Johann GRENIER

Street Art. Qui se cache derrière Made In Graffiti ?

Johann Grenier, dit Made In Graffiti, fait du graff depuis 15 ans. Au fil du temps, l’image de son art a totalement changé ce qui lui permet maintenant d’en vivre.

Johann Grenier participe à de nombreuses conférences dans des établissements scolaires afin de partager son métier et de l’expliquer. (©Johann Grenier)

Par Augustin ThibouwPublié le 3 Mai 22 à 12:28

Vous ne l’avez peut-être jamais rencontré mais vous le connaissez sûrement. Johann Grenier est graffeur et pas n’importe lequel. Il a réalisé de nombreuses fresques dans la région, notamment celle représentant Jean-Pierre Pernaut à Ponts-et-Marais.

Une culture de mur

Johann est né il y a 36 ans à Baden-Baden, une ville thermale du sud-Ouest de l’Allemagne à quelques kilomètres de la frontière française. « À l’époque il y avait toujours le mur de Berlin, c’était déjà un signe je pense, plaisante l’artiste. J’aurais bien aimé retourner dans ma ville pour faire une fresque mais pas de chance, c’est une ville très riche avec des casinos et des chaînes thermale. Pour aller peindre là-bas c’est très compliqué ».

Direction la France

Il a déjà tenté de faire des démarches mais il n’est pas allé jusqu’au bout. « Il y a la barrière de la langue et en plus l’allemand c’est compliqué ».

Ses parents ont vécu pendant dix ans en Allemagne au sein d’une base militaire française pendant l’occupation des alliés suite à la guerre. À la naissance de Johann, ils sont rentrés en France, directionEu (Seine-Maritime).

Aujourd’hui à Oust-Marest (Somme), il vit de sa passion pour les graffitis mais surtout pour les fresques de paysage peint à la bombe.

Une passion pour la peinture depuis l’enfance

Cette passion pour l’art lui vient depuis qu’il est tout jeune. Dès l’âge de 8 ans, il a commencé la peinture à l’huile. « Quand j’étais en maternelle, les instituteurs avaient remarqué qu’il se passait un truc entre moi et le dessin, explique Johann. J’étais le seul qui coloriait la feuille en entier. Le mien, il n’y avait pas un seul espace vide et c’est comme ça qu’ils ont remarqué quelque chose chez moi ».

« Le mec mystère qui vient faire sa peinture »

Il s’est ensuite passionné pour le graffiti grâce à un tagueur. Un jour, il a tagué un mur au sein de l’école et ça a marqué Johann. « C’est un peu le mec mystère qui vient faire sa peinture. Du coup je me suis passionné pour le graff et je suis tombé dedans ».

Ensuite, Johann, s’est baladé à vélo sur les voies ferrées pour prendre en photo chaque tag ou alors il les dessinait sur un petit carnet. Et petit à petit, il s’est fait la main et a appris les gestes. Depuis 2011, Johann vit de sa passion à temps complet.

Johann est l’un des premiers graffeurs à faire des fresques dans la région d’Eu. (©Johann Grenier)

Une carrière compliquée à lancer

Mais tout n’a pas toujours été rose pour lui. Il a fallu se faire connaître mais aussi faire face aux craintes de son père.

« Je faisais des graffitis plutôt que de faire mes devoirs et un jour. Quand on a reçu le bulletin scolaire, j’ai reçu une soufflante de la part de mon père, se souvient Johann. Il m’a dit ‘tu vas arrêter tes conneries de graffiti parce que ce n’est pas ce qui va te permettre de vivre’. Aujourd’hui on parle de ça, et on en rigole ».

Trouver de la peinture

L’autre difficulté était de trouver le matériel adéquat. Pour réaliser des graffitis, il faut des bombes de peinture. A l’époque il ne s’en vend pas dans la région. C’est un voyage à Paris qui va tout changer.

« Un jour, mes parents ont décidé de partir une journée à Paris. Moi j’ai tout de suite pensé aux bombes de peinture. J’ai voulu y aller, se souvient-il. J’ai pris mon argent mais mon père a tout de suite compris et m’a prévenu que le voyage n’était pas fait pour acheter des bombes de peinture. Résultat, je suis rentré avec une cinquantaine de bombes dans la voiture ».

Afin de peaufiner son geste, Johann Grenier a suivi des études au sein de l’école d’art de Roubaix l’ESAAT (École Supérieure d’Arts Appliqués et Textile). « C’était mes meilleures années, se souvient Johann. Un lycée d’artistes ce n’est pas comme un lycée normal. On se retrouvait entre personnes qui se ressemblaient. C’était génial, tout le monde était artiste ».

« Ça a commencé à se savoir dans l’usine »

Mais le chemin n’était pas encore tout tracé. Les décors prenaient forme mais la difficulté était de se faire connaître.

À sa sortie de l’école, Johann a travaillé dans différents milieux afin de payer les frais qu’il avait. Il a donc travaillé dans un fast-food mais le salaire n’était pas suffisant et ce n’était pas le choix de carrière qu’il souhaitait. C’est alors qu’il a travaillé dans une usine.

Je faisais toujours du graffiti les week-ends et ma paye me servait à acheter des bombes. Ça a commencé à se savoir dans l’usine. Des collègues commençaient à me demander des graffitis et c’est parti comme ça.

Johann GrenierArtiste

Se fixer une ligne de conduite

Sa carrière a commencé à prendre de l’ampleur. Le travail à l’usine commençait à lui rapporter moins que les graffs.

Il a fait le choix d’arrêter l’usine. C’est alors qu’il s’est fixé une ligne de conduite qu’il conseille à ceux qui veulent se lancer dans le graff.

« Ne pas regarder en arrière »

« Il faut avancer et ne pas regarder en arrière ni sur les côtés. Faire ce que j’ai envie de faire, d’y aller et d’être déterminé à le faire sans écouter ceux qui pourraient mal influencer ».

Le métier a évolué en quelques années. Les graffitis étaient très mal perçus il y a encore quelques années et maintenant, les municipalités font appel à eux pour réaliser des œuvres en plein cœurs des villes mais ça n’a pas toujours été simple. « Avant on nous courait après parce qu’on faisait des tags, maintenant on nous court après pour en faire ».

Johann se souvient d’ailleurs d’une expérience cocasse.

« À l’époque où j’ai commencé, on avait commandé des bombes de peinture. On est allé voir la mairie, il y a quasiment 20 ans, pour leur demander un mur. On a vu le maire, il nous a signés un papier en nous disant c’est bon vous pouvez peindre dans l’ancienne caserne de pompiers à Eu. Le jour où on y a été, ils nous ont envoyé les gendarmes. On s’est retrouvé avec les bombes et on n’a rien pu faire. C’était un pur guet-apens », ironise-t-il.

Aujourd’hui Johann réalise des fresques pour de nombreuses communes. Il partage ses réalisations sur les réseaux sociaux auprès de sa large communauté.